AVEC SA NOUVELLE MOTORISATION HYBRIDE, STELLANTIS RéALISE UN COUP ASTUCIEUX

TECHNIQUE – Inaugurée par le Peugeot 3008 il y a quelques mois, la nouvelle motorisation hybride de Stellantis est appelée à se décliner en version rechargeable, sur de très nombreux modèles. Nous vous dévoilons les secrets de son astucieuse boîte de vitesses, véritable cœur de cette mécanique.

Depuis quelques mois, Stellantis décline presque toute sa gamme avec une nouvelle motorisation hybride. Sa particularité est d’embarquer un petit moteur électrique de 48 volts, fourni par Valeo et aussi utilisé par la Citroën Ami. Celui-ci apparaît bien moins coûteux que ceux à haute tension de Toyota, Honda ou Hyundai. Pourtant, le constructeur français promet que cette nouvelle mécanique peut rouler en électrique pendant quelques centaines de mètres… Ce qui est impossible sur la quasi-totalité des hybrides à faible tension proposés chez les autres constructeurs. Le meilleur des deux mondes, en somme !

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L’intérêt est double pour le tentaculaire groupe français. Ce petit moteur permet non seulement de répondre à l’engouement des clients pour les motorisations hybrides, mais aussi à Stellantis de réduire ses émissions de CO2 et donc de contribuer à s’aligner avec son objectif européen en la matière. Au cœur de cette nouveauté, une boîte de vitesses flambant neuve, développée conjointement avec l’équipementier belge Punch Powertrain. Le rapprochement a donné naissance à une coentreprise, E-Transmissions, objet d’un investissement de 70 millions d’euros pour assurer la production sur le site de Trémery, en Moselle.

Plusieurs millions de voitures hybrides chaque année

Avec un volume de production estimé à 600 000 unités en 2024, cette nouvelle boîte de vitesses représente un véritable enjeu stratégique pour Stellantis. Cela n’est qu’un début : au deuxième trimestre 2024, une nouvelle ligne de production ouvrira en Italie, sur le site de Mirafiori, à Turin. Dans un premier temps, la transmission Punch Powertrain remplacera celle - non électrifiée - du japonais Aisin sur les modèles du groupe, signifiant la fin des modèles 100 % thermiques à boîte automatique. Elle est dans ce cas associée au moteur trois-cylindres essence PureTech 1,2 litre de 100 ch (à courroie, sur la plateforme CMP) ou 136 ch (à chaîne, plateformes CMP, EMP2 et STLA Medium).

Dans un deuxième temps, ce sont les motorisations hybrides rechargeables qui seront concernées. Les ingénieurs de Punch Powertrain et Stellantis ont dimensionné leur nouvelle boîte de vitesses pour supporter un couple allant jusqu’à 360 Nm, identique à celui de la précédente boîte automatique Aisin. Elle est donc à même de s’y substituer dans toutes ses applications, même les plus puissantes, comme les versions 360 ch des DS 7 Crossback, DS 9 et Peugeot 508.

Cette nouvelle motorisation hybride 48 volts se déclinera très bientôt en rechargeable. Crédit: Peugeot

Surtout, elle comble un vide dans la gamme des marques de l’ancien groupe PSA, qui était un des rares grands constructeurs automobiles à ne pas proposer une boîte automatique à double embrayage. Malgré la fusion avec Fiat - qui dispose d’une telle transmission dans sa banque d’organes - qui a donné naissance au groupe Stellantis, il a été décidé de partir d’une feuille blanche. Cela a permis de faciliter l’intégration du moteur électrique et de diminuer les coûts.

Pas vraiment une boîte à double embrayage

Présentée comme une boîte automatique à double embrayage, la nouvelle e-DCS6 du groupe Stellantis n’a pourtant pas grand-chose à voir avec ses concurrentes, qui disposent de deux arbres séparés pour les rapports pairs et impairs, avec chacun leur embrayage pour présélectionner le rapport supérieur.

La nouvelle transmission des moteurs hybrides Stellantis combine un nombre de rapports élevé dans un encombrement réduit. Crédit: Stellantis

Ici, l’architecture est totalement différente. La spécificité de cette transmission est constituée par un train épicycloïdal, qui fonctionne un peu comme un overdrive, avec deux rapports de démultiplication finaux. L’arbre planétaire porte deux pignons (celui de 1ère/2ème et de 4ème/5ème), alors que le porte-satellite en dispose de deux autres (marche arrière et 5ème/6ème). Enfin, le pignon de 3ème fait le lien entre les arbres d’entrée et de sortie, lorsque son synchro est engagé. C’est le seul à ne pas profiter de la double démultiplication.

Malgré son architecture particulière, cette boîte de vitesses comporte bel et bien deux embrayages logés dans le train épicycloïdal, ce qui justifie son appellation commerciale. L’un pour lier l’arbre planétaire à la couronne, et l’autre pour immobiliser le porte-satellites. Enfin, un troisième embrayage permet de rouler en mode tout-électrique, en isolant le moteur thermique.

Un seul moteur électrique, par souci d’économie

Au total, cette transmission comporte huit rapports, dont une marche arrière. Contrairement à ce que proposent Hyundai et Kia sur les Kona et Niro hybrides, celle-ci ne peut pas être assurée en inversant simplement le sens de rotation du moteur électrique. « Nous ne disposons que d’une seule machine électrique, explique Ludovic Archas, chef de produit moteur chez Stellantis. Celle-ci récupère l’énergie à la décélération, et la restitue à l’accélération. Elle est liée à un convertisseur qui transforme ce courant de 48 Volts en 12 Volts pour le réseau d’accessoires. Du côté du moteur thermique, il n’y a qu’un démarreur classique, et non un alterno-démarreur capable d’alimenter la batterie de traction. Si celle-ci se vide, le moteur thermique doit obligatoirement entraîner les roues. » Ce choix est donc guidé par des impératifs économiques, en vue de réduire le nombre de composants électriques.

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L’architecture de cette boîte ne permet pas des changements de vitesse aussi instantanés que ceux d’une boîte à double embrayage classique. « Les temps de passage de rapports ne sont pas tous identiques », avoue Ludovic Archas. Dans la plupart des cas, les deux embrayages sont mis en jeu, leur glissement simultané évitant toute rupture d’accélération. Les changements de rapports se font alors en modifiant la démultiplication du train épicycloïdal. Soit il n’y a pas de changement de pignon, soit le suivant est présélectionné.

La boîte de vitesses comporte deux arbres concentriques, liés au train épicycloïdal qui génère deux rapports de démultiplication finaux. Crédit: Punch Powertrain

Il existe une exception : le passage de la 3ème à la 4ème. Du fait de l’architecture de la boîte, le pignon de 3ème ne dispose pas de démultiplication longue. Le passage en 4ème, lui aussi en démultiplication courte, nécessite l’ouverture de l’embrayage du porte-satellite, sans que l’autre embrayage ne puisse prendre la relève. Pour compenser le trou à l’accélération, celui-ci est brièvement connecté à la 5ème, ce qui permet de toujours entraîner les roues. L’enchaînement des rapports est le suivant :

1ère : pignon de 1ère/2ème, démultiplication courte

2ème : pignon de 1ère/2ème, démultiplication longue

3ème : pignon de 3ème, démultiplication courte

4ème : pignon de 4ème/5ème, démultiplication courte

5ème : pignon de 4ème/5ème, démultiplication longue

6ème : pignon de 6ème/7ème, démultiplication courteµ

7ème : pignon de 6ème/7ème, démultiplication longue

Dans les faits, tout cela apparaît impeccablement géré et transparent pour le conducteur : rapidité et douceur équivalent à l’ancienne transmission Aisin, qui comptait parmi les références de la catégorie. Cette transmission ingénieuse combine un nombre de rapports élevé, avec un minimum de pignons et dans un encombrement réduit. « Nous étions contraints par des exigences d’encombrement, poursuit Ludovic Archas : Il fallait que cette transmission puisse être implantée dans nos citadines, basées sur la plateforme CMP. Le but était également de proposer une transmission automatique à un coût plus faible que l’EAT8 (fournie par le japonais Aisin, NDLR). »

Un vrai gain de consommation sur route

Si cette transmission propose sept rapports, seuls six sont utilisés sur les premiers modèles hybrides de Stellantis. « Pour la version hybride 48 volts, le septième rapport, plus long, n’apportait rien, révèle le chef de produit moteur. Le régime en sixième est suffisamment faible pour limiter la consommation et le niveau sonore aux allures autoroutières. » Pire : l’utilisation du septième rapport ferait fonctionner le trois-cylindres à un régime trop bas, avec à la clé des vibrations désagréables et une surconsommation. Par mesure d’économie, Stellantis a choisi un étagement commun pour toutes ses applications. Le septième rapport ne sera donc utilisé que sur les hybrides rechargeables.

Notre essai du Citroën C5 Aircross a révélé un agrément de conduite très convaincant et des consommations plutôt contenues. Crédit: Nicolas Meunier/Challenges

Malgré la faible tension de la partie électrique, Stellantis promet des consommations aussi basses que sur des modèles hybrides concurrents. Effectivement, lors d’un parcours de 80 km sur route, nous sommes parvenus à contenir la consommation moyenne à 5,3 l/100 k. Ce n’est pas tout à fait aussi bien qu’un Toyota C-HR, référence de la catégorie, mais la performance est plus qu’honorable. Revers de la médaille : cette sobriété n’est pas constante. Le lendemain, sur un parcours similaire, l’appétit a dépassé 6 l/100 km… et peut s’envoler au-delà en cas de grand soleil. En effet, étant donnée l’architecture de ce système hybride, le compresseur de climatisation est nécessairement entraîné par le moteur thermique, ce qui n’est pas le cas sur la plupart des concurrentes hybrides.

A 130 km/h, comme sur tous les modèles hybrides, la consommation ne profite pas de l’apport du moteur électrique, qui n’agit qu’à la décélération et à l’accélération. A l’issue d’un trajet autoroutier en Citroën C5 Aircross, nous avons relevé une moyenne de 8,3 l/100 km, similaire à celle d’un modèle essence classique. Sans atteindre les performances des systèmes les plus sophistiqués, la nouvelle transmission e-DCS peut se targuer d’un bilan très convaincant. Le tout, pour un coût de production bien moins élevé que les rivaux.

Qui est Punch Powertrain ?

Punch Powertrain est né en 1972 comme une filiale du constructeur néerlandais DAF. Son rôle était de produire les transmissions à variation continue (CVT) par courroie, qui faisaient toute l’originalité des citadines de la marque. Après avoir appartenu à Volvo, puis au spécialiste allemand de la boîte de vitesses ZF, Punch Powertrain est depuis 2016 la propriété du chinois Yinyi. Toujours spécialisé dans le CVT, il fournit les plus importants constructeurs chinois comme Geely, BYD et Greatwall. Son catalogue comprend aussi des moteurs électriques, réducteurs et onduleur. La coentreprise avec Stellantis devrait lui permettre d’étendre largement son empreinte en Europe, où sa notoriété est faible.

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