VALEO : FAUT-IL CRAINDRE DES FERMETURES D’USINES CHEZ L’éQUIPEMENTIER AUTOMOBILE ?

Valeo réduit son empreinte industrielle en France. Déclenchant la colère des syndicats, l’équipementier automobile a annoncé la vente de trois sites. La responsabilité de Renault et Stellantis est aussi pointée du doigt.

À quelques semaines du Mondial de l’Auto, le climat reste orageux pour l’industrie automobile française. Mardi 17 septembre, une centaine de salariés de Valeo ont manifesté à Paris pour protester contre la vente de trois sites : les usines de L'Isle-d'Abeau (Isère), de La-Suze sur-Sarthe (Sarthe), ainsi que le site de R&D de Verrières-le-Buisson (Yvelines). L’équipementier recherche de potentiels repreneurs mais, en l’absence de candidats, environ un millier d’emplois se retrouveraient menacés. Un séisme pour ce groupe qui compte près de 14 000 salariés en France.

Cette vente s’ajoute à une série de mauvaises nouvelles pour Valeo. En janvier 2024, le groupe français avait déjà décidé de supprimer 235 postes sur trois autres sites français. La croissance n’est pas au rendez-vous : au premier semestre 2024, l’entreprise a vu son chiffre d’affaires diminuer de 1%, à 11,1 milliards d’euros. Et en parallèle, elle a subi de forts vents contraires en Bourse : entre le 1er janvier et le 18 septembre, l’action a dégringolé de 32%, à 9,6 euros. C’est la première fois que l’action glisse sous la barre des 10 euros depuis… 2011 !

Valeo face à un marché automobile atone

«À chaque instant, on cherche à trouver la meilleure solution pour remplir nos sites», plaide un porte-parole de Valeo, à Capital. Mais cela ne suffit pas toujours. En ce qui concerne le centre de R&D, le porte-parole décrit un site vieillissant, qui nécessiterait «plusieurs dizaines de millions d’euros d’investissement» pour être modernisé. Certains salariés de ce site pourraient être transférés dans d’autres centres du groupe.

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Du côté des deux usines, la situation est plus complexe. Certes, l’usine de L'Isle-d'Abeau fabrique des équipements pour des véhicules hybrides, un segment du marché automobile en très bonne forme. Mais comme dans la voiture électrique, il reste de l’incertitude technologique. Malgré plusieurs millions d’euros d’investissement, le système d’hybridation fabriqué à L’Isle-d’Abeau «n’a pas trouvé son marché». Quant à l’usine de La-Suze sur-Sarthe, l’atonie du marché automobile n’a pas aidé. Pour rappel, les ventes de voitures neuves ont diminué de 0,5% entre janvier et août 2024, par rapport à la même période de 2023.

Manque de solidarité entre les constructeurs automobiles et leurs fournisseurs

Valeo, comme les autres équipementiers automobiles, fait face à une tempête parfaite en France : hausse des prix de l’énergie, faibles ventes de voitures et, pour ne rien arranger, délocalisations chez les constructeurs automobiles. «Les constructeurs cherchent à délocaliser leurs productions pour réduire leurs coûts. Stellantis et Renault nous mettent dans le pétrin», s’insurge Bertrand Bellanger, délégué syndical FO. Les porte-voix de la filière automobile ne démentent pas, déplorant un manque de solidarité entre les constructeurs automobiles et leurs fournisseurs. «Ce n’est pas un monde de Bisounours. Pour gagner une affaire, il faut faire des enchères à la baisse», regrette Jean-Louis Pech, président de la FIEV (Fédération des industries des équipementiers pour véhicules).

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Les syndicats n’écartent tout de même pas la responsabilité de Valeo. En juillet, la CGT s’indignait d’une «politique exclusivement financière». «Pourquoi un équipementier comme Valeo, qui dispose dans son portefeuille de beaucoup de produits pour l’automobile et de plus en plus pour les véhicules électriques, ne peut-il pas éviter ces ventes en introduisant de nouvelles lignes de produits ?», interrogeait l’organisation. Pour Bertrand Bellanger, la série noire risque de continuer. «On ne peut que être inquiets pour les autres sites français de Valeo», estime le délégué FO. Pour rappel, le groupe revendique 23 sites de production et 14 centres de R&D en France.

Un rassemblement prévu au Mondial de l’Auto pour Valeo

Au-delà de Valeo, c’est l’ensemble des sous-traitants automobiles français qui souffrent. Selon des données dévoilées ce 18 septembre par la FIEV, les effectifs chez les équipementiers automobiles français ont chuté de 19% entre 2019 et 2023 pour s’établir à 57 000 personnes. «Malheureusement, en perdre la moitié de plus ne me paraîtrait pas exagéré sur les cinq ans à venir», a jugé Jean-Louis Pech. «La politique de réduction des coûts est rationnelle. Mais cette logique portée à son extrême est destructrice de valeur», a ajouté le président de la FIEV, en évoquant des fermetures d’usines supplémentaires probables en France.

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Reste à savoir si Valeo trouvera un repreneur pour ses usines. Le processus devrait durer encore plusieurs mois. Aucun candidat ne s’est fait connaître mais Mutares, un fonds allemand spécialisé dans le redressement de sociétés en difficulté, a déjà repris plusieurs usines automobiles françaises mal en point. C’est dans ce contexte difficile que Valeo exposera ses innovations au Mondial de l’Auto. La CGT a également appelé à un rassemblement, le 17 octobre, pour évoquer la situation sociale difficile chez les équipementiers lors de la grande fête de l’automobile.

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