PARENTS COOL OU PARENTS POULES : à QUEL âGE LAISSER SON ENFANT SEUL ?

Angoissée. C'est ainsi que Justine, 44 ans, s'est sentie lorsqu'elle a laissé son fils seul pour la première fois. « Je ne devais partir que quelques heures, et je n'avais pas le choix », se souvient-elle encore. Son garçon, alors âgé de 13 ans, avait reçu toutes les consignes de sécurité : ne pas ouvrir la porte à des inconnus, toujours téléphoner s'il y a un problème, rester à l'étage « jusqu'au retour de maman ».

« J'avais peur qu'il puisse tomber dans les escaliers, ou qu'il lui arrive quelque chose », se remémore-t-elle. Quand l'esprit s'emballe, la crainte grandit. « Et si ? », la question peut se poser de mille manières, et se compléter avec les pires drames. Mais, de retour à la maison, Justine a constaté que Clément allait bien.

« L'époque est à la surprotection »

Ces récits de mères et de pères « pas rassurés » sont fréquents. Bien que les parents soient légalement responsables de leurs enfants jusqu'à la majorité, il n'existe pas de règle quand il s'agit de les laisser se garder seuls. Si certains racontent avoir eu « une enfance à s'autogérer », beaucoup estiment désormais inenvisageable que leur progéniture puisse vivre la même expérience. Sommes-nous tous devenus trop protecteurs ?

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C'est l'avis de Gilles, grand-père de 66 ans. « L'époque est à la surprotection », observe-t-il. S'il considère que 12 ans est un « bon âge » pour laisser un enfant seul à la maison le soir, il estime que « pour des petites courses, cela peut se faire plus tôt ». Ainsi, lors du week-end de Pâques, Gilles a gardé ses petits-enfants de 6 et 8 ans. « Tous les deux étaient devant la télévision, devant leur série favorite, alors je suis passé à la pharmacie, raconte-t-il. À peine 15 minutes. » C'était la toute première fois que ses petits-enfants étaient en autonomie. « Il faut dire que mon fils et sa compagne sont beaucoup plus prudents que moi, remarque-t-il. Ou peut-être suis-je comme ma génération ? Un papa soixante-huitard ! »

Delphine, qui vit à Dubaï, confie « laisser parfois ses filles de 6 et 9 ans seules pour quelques minutes » lorsqu'elle part faire une course rapide. Les petites « connaissent les voisins » et la famille habite dans une résidence sécurisée avec « des caméras et des gardes à l'entrée ». Pour elle, plus qu'une question d'âge, ce qui compte, c'est le moment de la journée et « l'aisance des enfants à être séparés de leurs parents ».

Les âges scolaires, des étapes

« Pour l'âge, il n'y a pas de règle absolue », observe Lisa Ouss, pédopsychiatre à l'hôpital Necker de Paris, qui insiste sur « le contexte et la maturité de l'enfant ». Néanmoins, de manière générale, certaines étapes peuvent s'esquisser. « Les âges scolaires ? c'est-à-dire les passages à l'école maternelle, à l'école primaire, au collège ? correspondent à des périodes d'autonomie, indique-t-elle. Ce sont des étapes où se développent les compétences naturelles des enfants à pouvoir faire les choses seuls. »

À 7 ans, « l'âge de raison », il est possible de « rester seul un petit moment dans un contexte précis ». Tandis qu'à 11-12 ans, « on peut commencer à aller seul au collège et à rester seul à la maison ». « Le tout est de demander à l'enfant s'il est d'accord avec la démarche, ajoute la pédopsychiatre. Et surtout, en tant que parent, il faut montrer à l'enfant qu'il peut changer d'avis s'il ne se sent plus capable. »

Justine soulève aussi une « question de génération ». « Mon père et ma mère n'avaient pas la notion de danger. J'ai passé une partie de mon enfance à traîner à droite, à gauche. Personne ne s'inquiétait de savoir où j'étais », détaille-t-elle. Devenue « maman poule », elle ne se voit pas « laisser [sa] fille de 11 ans seule à la maison, sous prétexte qu'elle sait se laver les dents ! »

Accompagner « progressivement » l'enfant vers l'autonomie

Si elle assure « donner une autonomie à son fils et sa fille », elle ne souhaite pas les contraindre non plus. « Peut-être a-t-on tendance à trop responsabiliser les enfants, médite-t-elle. Même s'ils peuvent avoir des mimiques d'adultes, ils restent jeunes, et peut-être n'ont-ils pas la maturité émotionnelle et affective nécessaire pour être seuls. »

La pédopsychiatre Lisa Ouss conseille ainsi d'accompagner « progressivement » son enfant vers l'autonomie. Par exemple, en lui demandant de faire une petite course, et en l'observant de loin, puis en le laissant complètement seul. « La progressivité, la confiance, la vérification des dangers réels et supposés, tous ces critères sont tout à fait importants. L'enfant doit comprendre qu'il gagne sa confiance. C'est un contrat qu'il fait avec ses parents, et il peut être extrêmement fier qu'on le juge capable de cette autonomie. »

Parents cool ou parents poules, « l'enfant est devenu le bien le plus précieux des familles », note Sylvie Cadolle, sociologue de la famille et de l'éducation. Le « changement démographique », qui se traduit par moins d'enfants dans les foyers, y est pour beaucoup. En France, le taux de fécondité était de 1,8 en 2021, contre 2,5 en 1948 au début des Trente Glorieuses.

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